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Adoption de la Directive CSDD sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

Adoption de la Directive CSDD sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

Jun 25, 2024
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Le 23 février 2022, la Commission européenne a publié une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (« Corporate Sustainability Due Diligence ») (CSDD ou CS3D). Le 1erjuin 2023, le Parlement européen a adopté sa position. Le 14 décembre 2023, un accord provisoire en trilogue a été trouvé.

Si un accord provisoire avait été trouvé en trilogue le 14 décembre 2023, l’adoption du texte a été reportée à plusieurs reprises. Le compromis ainsi trouvé avait été rejeté par le Comité des représentants permanents (Coreper) le 28 février 2024 et il a fallu répondre aux préoccupations de plusieurs Etats membres en particulier sur le champ d’application de la directive en revoyant les seuils pour cibler les plus grandes entreprises. Après des semaines de négociations et plusieurs reports de vote, les 27 pays de l’UE se sont mis d’accord sur la directive le 15 mars 2024.

Le texte a été approuvé par le Parlement européen le 24 avril 2024 par 374 voix pour, 235 contre et 19 abstentions avant d’être officiellement approuvée par le Conseil européen le 24 mai 2024. La CS3D sera prochainement publiée au journal officiel de l’Union européenne. Elle entrera en vigueur 20 jours plus tard. Les États membres auront deux ans pour la transposer dans leur législation nationale.

Le périmètre des sociétés concernées

Sur le champ d’application, alors que la proposition initiale visait les entreprises de l'Union européenne employant 500 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial supérieur à 150 millions d'euros, ainsi qu'aux entreprises non européennes réalisant un chiffre d’affaires net dans l'Union européenne supérieur à 150 millions d'euros, avec des seuils plus bas pour les secteurs dits à « haut risque », le texte adopté  prévoit que les règles s’appliqueront :

  • aux entreprises et aux sociétés mères européennes employant plus de 1 000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros,
  • aux franchises dans l’Union européenne réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 millions d’euros si au moins 22,5 millions d’euros ont été générés par des redevances.
  • aux entreprises non européennes, aux sociétés mères et aux franchises de pays tiers qui atteignent les mêmes seuils de chiffre d’affaires dans l’Union européenne.

Sous certaines conditions, les sociétés mères dont l’activité principale est la détention de leurs filiales opérationnelles seront désormais exemptées.

Les entreprises concernées devront se conformer progressivement, en fonction de leur nombre de salariés et de leur chiffre d'affaires net mondial, entre 3 et 5 ans après l'entrée en vigueur de la directive:

  • à partir de 2027 pour les entreprises de plus de 5 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 1 500 millions d’euros;
  • à partir de 2028 pour les entreprises de plus de 3 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 900 millions d’euros;
  • à partir de 2029 pour toutes les autres entreprises relevant du champ d’application de la directive (y compris celles de plus de 1 000 salariés et un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros).

Les obligations des sociétés assujetties

La Directive CS3D tend à faire peser sur les entreprises européennes la prévention et l’atténuation des effets néfastes que peuvent avoir leurs activités sur les droits humains et l’environnement, étant précisé que le texte européen est largement inspiré des modèles français et allemand. Ces entreprises devront mettre en œuvre des mesures de diligence raisonnable afin d'identifier, de prévenir, d'atténuer, de faire cesser, de minimiser et de remédier aux incidences négatives, réelles ou potentielles sur l'environnement ou les droits de l'homme en ce qui concerne leurs propres activités, les activités de leurs filiales et les activités de la chaîne de valeur comprenant leurs relations commerciales en amont (activités liées à la production de biens ou à la fournitures de services par l’entreprise) et en aval (les activités liées à la distribution, au transport et au stockage des produits). Elle devront intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques, réaliser les investissements nécessaires, obtenir des garanties contractuelles de la part de leurs partenaires, améliorer leur plan de gestion ou apporter leur soutien aux petites et moyennes entreprises partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations. Les entreprises devront également adopter un plan de transition pour rendre leur modèle économique compatible avec la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique fixée par l’Accord de Paris.  

Les États membres devront fournir aux entreprises des informations détaillées en ligne sur leurs obligations en matière de devoir de vigilance via des portails pratiques contenant les orientations de la Commission.

Sanctions et régime de responsabilité

Les Etats membres devront également créer ou désigner une autorité de surveillance chargée d’enquêter et d’imposer des sanctions aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations. Il s'agira notamment de dénoncer ces entreprises et de leur infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires net mondial. La Commission mettra en place un réseau européen des autorités de surveillance pour soutenir la coopération et permettre l’échange de bonnes pratiques.

Le principe de responsabilité civile des entreprises en cas de non-respect de leurs obligations de vigilance est encadré : les entreprises seront responsables des dommages causés par le non-respect de leurs obligations en matière de devoir de vigilance et devront indemniser intégralement leurs victimes.

L’entreprise ne pourra être tenue responsable d'un dommage causé à une personne physique ou morale qu’à la double condition suivante :

  • l’entreprise a manqué « intentionnellement ou par négligence » à ses obligations de vigilance ;
  • l’entreprise a causé un dommage à l'intérêt juridique protégé par le droit national de la personne physique ou morale.

Lorsque le dommage a été causé conjointement par l’entreprise et sa filiale ou un partenaire commercial direct ou indirect, ceux-ci sont solidairement responsables.

De plus, l’entreprise peut, dans tous les cas, s’exonérer de sa responsabilité si le dommage n’a été causé que par ses partenaires commerciaux dans sa chaîne d’activités.  En outre, les entreprises assujetties pourront rechercher des garanties contractuelles avec un partenaire commercial indirect dont les incidences négatives potentielles ne peuvent être évitées ou atténuées de manière adéquate.

Si la question de la responsabilité des dirigeants et des administrateurs – initialement prévue – n’a pas été reprise dans le compromis trouvé, elle reste encore possible en droit français à la lumière de l’article 1833 du Code civil qui indique, après avoir consacré le principe d’une gestion conforme à l’intérêt social, que doivent également être pris en considération les enjeux sociaux et environnementaux.

La directive CSDD encourage les entreprises à adopter une gestion responsable, en prenant en compte les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités. En favorisant la transparence, la directive CSDD pousse les entreprises à s’engager activement dans l’identification et la réduction des risques liés au développement durable. Alors qu’on observe une véritable « judiciarisation » de la responsabilité sociétale des entreprises, avec l’ « effet domino » inhérent au devoir de vigilance, les entreprises assujetties peinent encore à mesurer l’étendue des risques et contraintes supplémentaires.

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