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La judiciarisation de la RSE se poursuit en France

La judiciarisation de la RSE se poursuit en France

Jun 25, 2024
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La directive CSDD ainsi adoptée va bien au-delà des obligations relevant de la loi sur le devoir de vigilance : elle élargit le périmètre des sociétés concernées et impose des sanctions lourdes. Son adoption à l’heure où la promosition européenne de la RSE se poursuit à tombeau en France (transposition en droit français de la directive CSRD, première décision sur le fond sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance) interroge nécessairement sur l’incidence que la directive CSDD pourra avoir sur la judiciarisation de la RSE sur le territoire national.

On rappellera que la France fait depuis longue date figure de précurseur en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : elle a adopté une succession de textes (Loi NRE, Loi Sapin II, Loi sur le devoir de vigilance, Loi Pacte, Loi Climat et Résilience) qui ont contribué à inciter les entreprises à être plus attentives à leur environnement sociétal. En particulier, la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre impose aux grandes entreprises ayant un siège en France un devoir de vigilance au regard d’un large panel de risques liés aux droits de l’homme et aux dommages environnementaux que leur activité peut engendrer via leurs filiales et leurs fournisseurs et sous-traitants avec lesquels une relation commerciale est établie, en France ou à l’étranger. 7 ans après l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance, de plus en plus de multinationales, tous secteurs confondus : énergie, eau, banque, distribution, services, transports et cosmétiques – sont visées par des actions menées par des ONG, des collectivités territoriales et des syndicats. Un premier jugement sur le fond a été rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Paris aux termes duquel le Tribunal a mis l’accent sur le degré de précision attendu quant à la cartographie des risques qui doit permettre d’identifier concrètement les facteurs de risques pour déterminer l’ensemble des mesures de vigilance qui seront mises en œuvre. Le Tribunal a aussi mis en exergue l’importance du dialogne avec les parties prenantes dans la démarche de vigilance. Enfin, le Tribunal a précisé 1'office du juge : il lui appartient de controler l’intégration au plan de mesures concretes, adequates et efficaces en coherence avec la cartographie des risques, precision faite que le juge a le pouvoir d'enjoindre a la société d'elaborer, dans le cadre du processus d'autoregulation des mesures de sauvegarde que cette dernière doit definir en association avec les parties prenantes ainsi que des actions complementaires plus concrètes et efficaces en lien le cas echeant avec un risque identifié, mais il ne peut se substituer à la société et aux parties prenantes pour exiger d'elles l'instauration de mesures precises et détaillées.

La chambre dédiée aux contentieux environnementaux créée au sein de la Cour d’appel de Paris en janvier 2024 a rendu le 18 juin 2024 ses premières décisions sur la recevabilité des appels faits contre les ordonnances rendues par le juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Paris ayant jugé irrecevables les actions en injonction intentées sur le fondement de la loi française sur le devoir de vigilance à l’encontre de sociétés dans le secteur de l’énergie.

Aux termes de ces décisions :

  • La Cour a jugé qu’il n’est pas nécessaire que l’assignation et la mise en demeure préalable exigée par la loi sur le devoir de vigilance visent le même plan de vigilance : concrètement, peu importe que les associations aient visé un plan de vigilance de 2018 ou 2022 du moment qu’elles ont évoqué dans leur mise en demeure préalable et leur assignation les mêmes obligations sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance.
  • La cour a par ailleurs reconnu le droit de saisir le juge à toute personne justifiant d’un intérêt à agir, après qu’une mise en demeure a été délivrée, peu important qu’elle ne soit pas l’auteur de la mise en demeure 
  • La Cour a jugé que les collectivités ne peuvent agir que si elles démontrent un intérêt public local spécifique, et non global, surtout pour des atteintes touchant la planète entière : concrètement, la Cour exige que les collectivités locales démontrent “une atteinte spécifique ou un retentissement particulier du risque sur leur territoire”.
  • La cour a confirmé l'irrecevabilité d’une action menée contre la filiale de la société débitrice de l’obligation de vigilance.

Les débats sur le fond vont donc se poursuivre devant le Tribunal judiciaire de Paris qui devra statuer sur le bien fondé des mesures sollicitées par les ONG demanderesses. 

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