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France – Covid 19 – Les modifications apportées en droit du travail par les cinq ordonnances du 1er avril 2020 (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, CSE, service de santé au travail, formation professionnelle)
Apr 07, 2020De nouvelles ordonnances relatives au droit du travail ont été publiées au Journal Officiel du 2 avril 2020.
1. L’ordonnance n° 2020-385 relative aux conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ;
2. L’ordonnance n° 2020-389 relative aux réunions et élections du CSE ;
3. L’ordonnance n° 2020-386 relative à l’adaptation des conditions d’exercice des services de santé au travail et à la modification du régime des demandes préalables d’activité partielle ;
4. L’ordonnance n° 2020-387 portant mesures d'urgence en matière de formation professionnelle ;
5. L’ordonnance n° 2020-388 relative au report du scrutin de mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud'hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.
Il nous a paru important de vous faire part des principales dispositions contenues dans ces ordonnances :
L’ordonnance n° 2020-385 relative aux conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui pour mémoire est exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu pour les salariés dont la rémunération mensuelle n’excède pas 3 SMIC, prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 sont modifiées à effet au 2 avril 2020 :
1. La condition tenant à la nécessité de disposer d’un accord d’intéressement est supprimée
Les entreprises qui ne disposent pas d’un accord d’intéressement peuvent désormais verser à leurs salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat non soumise à charges sociales et à impôt sur le revenu et ce dans la limite de 1000 €.
2. Le plafond de la prime est relevé à 2 000 € pour les entreprises disposant d’un accord d’intéressement
Le montant maximal exonéré de la prime est porté à 2.000 € pour les entreprises disposant d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime.
Dans l’hypothèse où les entreprises souhaiteraient conclure un accord d’intéressement en vue de bénéficier d’une telle exonération, l’ordonnance prévoit que cet accord :
- doit être conclu entre le 1er janvier et le 31 août 2020 (contre le 30 juin antérieurement)
- et qu’il peut porter sur une période comprise entre 1 et 3 ans. (contre une période fixée à 3 ans par les dispositions de l’article L.3312-5)
Ces accords d’intéressement continueraient de bénéficier des exonérations fiscales quand bien même ils seraient conclus après le 1er jour de la deuxième moitié de la période à laquelle ils se rapportent, sous réserve d’être conclus avant le 31 août.
Autre modification : si elle est mise en place, la prime bénéficie : aux salariés appartenant aux effectifs de l’entreprise ou aux intérimaires mis à la disposition de l’entreprise à la date de versement de la prime (comme c’était le cas jusqu’à présent). mais aussi désormais ceux appartenant aux effectifs de l’entreprise à la date de dépôt de l’accord d’entreprise ou de groupe mettant en place la prime ou à la date de la signature de la décision unilatérale mettant en place la prime.
3. Le montant de la prime peut être modulé en privilégiant les salariés directement exposés au Covid-19
Le montant de la prime, qui pouvait initialement être modulée en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effective du salarié pendant l'année ou de sa durée contractuelle de travail peut désormais aussi être modulé en fonction « des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 ».
L’objectif est donc que les entreprises puissent octroyer une prime plus importante aux salariés travaillant sur leur lieu de travail pendant la crise sanitaire.
4. La date limite de versement de la prime est repoussée
La date limite de versement de la prime (au-delà de laquelle il n’est plus possible de bénéficier des exonérations sociales et fiscales) est reportée du 30 juin au 31 août 2020.
Ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux Instances Représentatives du Personnel
1. Autorisation des réunions de CSE par visioconférence, conférence téléphonique ou messagerie instantanée
Pendant la période d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 mai (Loi 2020-290 du 23 mars 2020- art. 4), le recours à la visioconférence ainsi qu’aux conférences téléphoniques est autorisé pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel, après information des élus.
Si le recours à la visioconférence ou à la conférence téléphonique n’est pas possible, et toute hypothèse lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit, les réunions des IRP peuvent se tenir par messagerie instantanée (exemple : Lync, Whatsapp ou encore Messenger), à condition là encore que l’employeur en informe les élus au préalable.
Un décret à venir précisera les conditions de tenue des réunions par conférence téléphonique et messagerie instantanée.
2. Aménagement de la procédure d’information-consultation du CSE en cas de dérogation liée au temps de travail
L’employeur est tenu d’informer le CSE sans délai et par tout moyen lorsqu’il:
- Use de la faculté d’imposer aux salariés la prise ou la modification de leurs jours de repos, y compris par l’utilisation en jour de repos des droits affectés sur le CET (rappelons que le seuil maximal est de 10 jours) ;
- Déroge aux durées maximales du travail autorisées par l’Ordonnance du 25 mars 2020 ;
- Déroge à la règle du repos dominical autorisée par l’Ordonnance du 25 mars 2020.
L’avis du CSE doit être rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information.
L’employeur peut ainsi agir sans attendre que l’avis du CSE soit rendu.
L’employeur devra donc organiser la consultation de son CSE dans ce délai.
3. Dispositions concernant les élections professionnelles
Suspension des processus électoraux en cours
L’ordonnance prévoit diverses mesures de suspensions et de report des processus électoraux en cours au 3 avril 2020.
La date de suspension dépend de l’état d’avancement du processus électoral. La suspension perdure jusqu’au 24 août 2020.
Report des élections après la fin de l’état d’urgence sanitaire
Le processus électoral devra être engagé dans les 3 mois qui suivent la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit au plus tard le 24 août 2020 si, avant le 3 avril 2020, date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, ou si entre le 3 avril 2020 et le 24 mai 2020 date de cessation de l’état d’urgence sanitaire :
- L’effectif était ou devient d’au moins 11 salariés sur une période de 12 mois consécutifs;
- Un salarié en fait la demande ;
- Un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de membres titulaires à la délégation du personnel est réduit de moitié (élection partielle).
Prorogation des mandats en cours et de la protection des élus et candidats
Si en raison de la suspension ou du report du processus électoral, les mandats en cours à la date du 12 mars 2020 n’ont pas été renouvelés, les mandats actuels sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier tour ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.
Pendant toute la durée de prorogation des mandats, le statut protecteur des représentants du personnel est maintenu.
Dispense d’élections partielles
Lorsque le mandat des membres du CSE expire moins de 6 mois après la date de fin de suspension du processus électoral, l’employeur est dispensé d’organiser des élections partielles, peu importe que des élections aient été engagées ou non avant ladite suspension.
Ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d'autorisation d'activité partielle
1. Adaptation des conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire
Jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 août 2019, les dispositions suivantes sont applicables :
Prescription et renouvellement d’arrêts de travail par le médecin du travail en cas d’infection ou suspicion d’infection au covid-19
Le médecin du travail (et non plus seulement le médecin traitant) peut prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19.
Le médecin du travail peut également procéder à des tests de dépistage du covid-19 selon un protocole qui sera défini par arrêté.
Adaptation des visites médicales « non indispensables »
Les visites médicales qui doivent être réalisées à compter du 12 mars 2020 dans le cadre du suivi individuel de l'état de santé des travailleurs peuvent être reportées dans des conditions qui seront définies par décret, sauf si elles sont « indispensables compte tenu notamment de l’état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail » (travailleur de nuit, postes à risques, travailleur handicapé etc.).
Il est précisé que le report de la visite médicale « ne fait pas obstacle à l’embauche ou à la reprise du travail ».
Les visites médicales ayant fait l’objet d’un report après le 2 avril 2020 seront organisées par les services de santé au travail au plus tard avant le 31 décembre 2020.
Un décret à paraitre doit déterminer les modalités d’application de ces dispositions.
Report ou aménagement des interventions des services de santé au travail sans lien avec l’épidémie
Les services de santé au travail peuvent reporter ou aménager leurs interventions dans ou auprès des entreprises « sauf si le médecin du travail estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifie une intervention sans délai ».
2. Délai d’acceptation des demandes d’activité partielle
Les décisions, accord ou avis attendus de l’administration qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 ont été suspendu jusqu’au 24 juin 2020 par l’art. 7 de l’Ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.
L’Ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 précise que cette suspension ne s’applique pas aux demandes d’autorisation d’activité partielle (y compris celles présentées avant le 2 avril 2020) qui demeurent soumises à un délai d’acceptation par l’administration – même implicite - de 2 jours.
Ordonnance n°2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence en matière de formation professionnelle
Cette ordonnance prévoit des dispositions spécifiques en matière de formation professionnelle tant pour les employeurs que pour les autres acteurs de la formation professionnelle (opérateurs de compétences (Opco) et associations Transition pro…), afin de leur permettre de satisfaire à leurs obligations légales en la matière dans le contexte de crise sanitaire liée à la propagation du covid-19.
Concernant les employeurs, les points importants sont les suivants :
1. Un délai est accordé pour réaliser l’entretien d’état des lieux du parcours professionnel
La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a mis à la charge de l’employeur la réalisation, tous les 6 ans, d’un entretien professionnel faisant état des lieux récapitulatif du parcours professionnel des salariés. Les premiers entretiens devaient donc se tenir à compter de mars 2020.
Compte tenu des circonstances et des difficultés de leur organisation, l’employeur peut reporter la date des entretiens devant se tenir au cours de l’année 2020 jusqu’au 31 décembre 2020.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la pénalité de 3.000 € visant à abonder le CPF (compte personnel de formation) de chaque salarié qui n’a pas bénéficié de cet entretien dans les délais impartis dans une entreprise d’au moins 50 salariés est suspendue du 12 mars jusqu’au 31 décembre 2020. L’objectif est, là encore, de ne pas pénaliser les entreprises contraintes de reporter les entretiens.
2. Les contrats en alternance peuvent être prolongés
L’ordonnance autorise la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation pour tenir compte de la suspension de l’accueil des apprentis et des stagiaires au sein de leurs centres de formation.
Peuvent bénéficier de cette prolongation, l’ensemble des apprentis dont les contrats doivent prendre fin entre le 12 mars et le 31 juillet 2020, à condition qu’ils n’aient pas pu achever leurs cycles de formation (report ou annulation des sessions de formation et/ou d’examens).
Le contrat peut alors être prolongé par avenant jusqu’à l’achèvement de ce cycle.
Il est également possible de prolonger la période durant laquelle un jeune peut être accueilli par un centre de formation d’apprentis avant de trouver un employeur et donc de conclure un contrat d’apprentissage.
Ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud'hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles
1. Mesure d’audience syndicale
Le prochain scrutin visant à mesurer l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés est reporté. Il sera organisé au premier semestre de l'année 2021. La période sera fixée par arrêté.
2. Mandat des conseillers prud’homaux
La date du prochain renouvellement général des conseils de prud'hommes est reportée. Elle sera fixée par arrêté, au plus tard le 31 décembre 2022.
Les mandats des conseillers prud'hommes en cours à la date du 3 avril 2020 sont prorogés jusqu'à cette date.
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