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Mesures COVID-19 au 6 avril 2020
Apr 06, 2020Face à l’épidémie de Coronavirus Covid-19, le Gouvernement a mis en place différentes mesures pour soutenir les entreprises en difficultés.
Tout d’abord, la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus a été publiée le 24 mars 2020, date de son entrée en vigueur.
C’est ainsi que sur le fondement de l’article 11 de cette loi, 26 ordonnances (sur 40 envisagées) présentées en conseil des ministres le 25 mars 2020 ont été publiées au Journal Officiel du 26.
Par ailleurs, toujours en application de cette loi, cinq autres ordonnances ont été prises en Conseil des ministres le 27 mars 2020 et publiées au Journal Officiel du 28.
Parmi ces 31 ordonnances, quatre d’entre elles nécessitent une attention particulière dans le domaine de l’immobilier.
Pour la compréhension de cette note, il sera rappelé en préambule :
- que l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le 24 mars 2020 (l’art. 22 de la loi du 23 mars 2020 prévoit qu’elle entrera en vigueur immédiatement). La date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est donc fixée pour le moment au 24 mai 2020, sous réserve d’un report ultérieur lié à l’évolution de la pandémie Covid-19 ;
- les règles de computation des délais en matière civile : par combinaison des articles 641 et 642 du Code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que de l'événement qui fait courir le délai. Par ailleurs, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Enfin, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
I. Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période et sa circulaire de présentation des dispositions du Titre I n° CIV/01/20 du 26 mars 2020
Focus sur plusieurs articles à incidence pratique :
Article 2 :
L’article 2 de cette ordonnance prévoit un mécanisme de prorogation des délais échus pendant une certaine période :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »
En d’autres termes, à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juin 2020 à 00h00 (date de fin d’état d’urgence sanitaire + un mois), les praticiens devront accomplir l’acte ou la formalité dans un délai supplémentaire dont la durée est la même que celle originellement fixée, dans la limite maximale de deux mois.
NB : La rédaction du texte ne manquera pas d’être soumise à interprétation dès lors qu’il prévoit que le délai supplémentaire partira « à compter de la fin de la période ». Bien que l’état d’urgence sanitaire s’achève le 24 juin 2020, il est probable que le délai supplémentaire ne s’ouvre qu’au lendemain, soit le 25 juin 2020, pour expirer au maximum le 25 août 2020.
Par conséquent, deux hypothèses sont possibles :
- Hypothèse n° 1 :Si le délai initial est supérieur à deux mois (ex : il ne reste plus qu’un délai de trois mois pour saisir le juge à peine de prescription, le délai expirant le 30 mars 2020), le délai supplémentaire expirera le 25 août 2020 (fin de la période + deux mois) compte tenu du plafonnement de la prorogation à deux mois (le délai de prescription s’éteindra le 25 août 2020).
- Hypothèse n° 2 :Si le délai initial est inférieur à deux mois (ex : il ne reste plus qu’un délai d’un mois à un appelant pour remettre ses conclusions au greffe, le délai expirant le 15 mars 2020), le délai supplémentaire va s’ouvrir à la fin de la période pour une même durée que celle initialement prévue. Ainsi, l’appelant bénéficiera d’un délai supplémentaire à compter du 25 juin 2020 de même durée que celle initialement prévue, soit un mois. Il devra donc avoir remis ses conclusions au plus tard le 25 juillet 2020.
En tout état de cause, en pratique, il risque d’être compliqué de réussir à trouver un huissier pour faire signifier le commandement de payer par acte extrajudiciaire au preneur.
Article 3 :
L’article 3 de l’ordonnance prévoit également un mécanisme de prorogation concernant :
« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l'article 1er sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;
3° Autorisations, permis et agréments ;
4° Mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;
5° Mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.
Toutefois, le juge ou l'autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. »
De plus, le I de l’article 1er de l’ordonnance prévoit que :
« I. ‒ Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée. »
En d’autres termes, les mesures administratives ou judiciaires visées et qui viennent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 25 juin 2020 à 00h00, sont prorogées de plein droit jusqu’au 25 août 2020.
Nous attirons donc votre attention sur le fait que les demandes de permis de construire et leur affichage sont, par exemple, concernés par ces délais. En effet, l’article 3 étant rédigé de façon large, les mécanismes de l’article 3 et de l’article 2 semblent se confondre. Dès lors, les mécanismes sont similaires et amènent au même résultat, à savoir une prorogation de deux mois à compter du 25 juin 2020 (lendemain de la fin de la période d’état d’urgence sanitaire) lorsque l’expiration du délai de recours intervient dans la « période définie ».
Ex : affichage d’un permis de construire au 15 avril 2020 avec expiration du délai de recours de deux mois des tiers au 15 juin 2020 qui se prorogera de plein droit au 25 août 2020.
Les demandes de retrait de permis de construire sont également concernées par ces dispositions.
En outre, il semble que les agréments bureaux ou encore ceux concernant les établissements recevant du public (ERP) bénéficient également de ce mécanisme.
Article 7 :
L’article 7 de l’ordonnance prévoit, pour les relations avec l’administration, la suspension de certains délais, principalement ceux aux termes desquels une décision administrative peut naître dans le silence de l’administration et les demandes en cours d’instruction :
« Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. »
NB : les dispositions de cette ordonnance concernant les autorisations d’urbanisme sont amenées à être prochainement revues et précisées par le gouvernement.
Dès lors, si des délais administratifs pour vérifier ou instruire des dossiers devaient commencer à courir pendant l’état d’urgence sanitaire, ils sont suspendus jusqu’à sa date de fin.
De même, les délais ayant débuté avant le 12 mars 2020 et qui n’étaient pas expirés à cette date sont suspendus.
Il faudra donc être vigilent sur ces délais qui offriront donc potentiellement des mois supplémentaires pour exercer des recours. Il y aura par conséquent une suspension des délais avec un délai butoir de deux mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Par exemple si un permis de construire est affiché le 8 mars 2020. Le délai de recours contentieux de droit commun est de deux mois. La date limite est donc le 9 mai 2020. Avec l’ordonnance, le délai limite fixé au 9 mai est donc suspendu pendant l’état d’urgence sanitaire, soit en théorie pour le moment, jusqu’au 25 mai 2020 à 00h00. Dans cette hypothèse, le délai pour exercer le recours est calculé à partir du 25 juin 2020 à 00h00 (un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire), sans pouvoir excéder deux mois.
En l’espèce, en respectant le mécanisme de la suspension, le délai reprendra son cours après le 25 juin 00h00.
L’expiration aura donc lieu le 21 août à 23h59, les quatre premiers jours ayant été décomptés. Il faut alors effectuer un décompte en mois puis en jours.
En conclusion, à ce jour, concernant les délais administratifs :
- Les délais à l’issu desquels une décision implicite peut naitre et dont l’expiration n’a pas eu lieu le 12 mars sont suspendus jusqu’à l’expiration de l’état d’urgence sanitaire ;
- Tous les délais à compter du 12 mars 2020 pour les délais qui n’étaient pas expirés à cette date sont suspendus ;
- Report du premier jour du délai au 25 juin 2020 pour les délais qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
- Tous les délais suspendus ou reportés reprennent le 25 juin 2020, date de lendemain du terme du délai d’un mois suivant l’expiration de l’état d’urgence sanitaire.
En tout état de cause, ces dates de fin ne sont que provisoires, l’état d’urgence sanitaire pouvant être prolongé à tout moment par le gouvernement.
Article 4 :
L’article 4 de l’ordonnance prévoit un mécanisme de suspension pour :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er. »
Etant précisé que « la période définie » vise les délais et mesures qui ont expiré ou qui expireront entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 inclus.
Ex : un bailleur a délivré un commandement visant la clause résolutoire le 28 février 2020. Le 28 mars suivant, les causes du commandement ne sont pas réglées. L’effet du jeu acquis de la clause résolutoire est reporté à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période définie par l’article 1er de l’ordonnance soit à compter du 25 juillet 2020 (25 juin 2020 à 00h00 + un mois). Le locataire aura donc jusqu’au 25 juillet 2020 pour s’acquitter des causes du commandement.
Toutefois, les délais qui n’expirent pas dans le délai protégé ne bénéficient pas de ce mécanisme. En conséquence, le délai pourrait expirer très rapidement à compter de la fin de cette période. Pour illustration si le délai expire le 27 juin il ne bénéficie d’aucun report.
Concernant les baux commerciaux, le bailleur et le preneur ne peuvent tirer profit de cet article afin de justifier l'inexécution d'une obligation contractuelle devant être réalisée pendant cette période. Si l'une des parties est défaillante dans l'exécution de son obligation contractuelle, elle doit alors se justifier en se fondant sur le droit commun.
Différents délais ont donc une origine légale et seront donc prorogés.
Pour illustration, tel est le cas du mécanisme du droit de préemption du preneur en cas de vente du local. En effet, l’article L. 145-46-1 du Code de commerce précise que le preneur dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’offre pour se prononcer. Si ce délai arrive à échéance pendant la période d’état d’urgence sanitaire, le preneur bénéficiera donc d’un nouveau d’un délai d’un mois à compter du 25 juin 2020 à 00h00 au 25 juillet à 23h59. Outre ce premier délai, l’ensemble de ceux mentionnés dans la procédure envisagée par l’article bénéficierait de la prorogation.
Toutefois, si à l’intérieur du délai de l’état d’urgence, il décide de lever son droit de préemption, il pourrait choisir de ne pas bénéficier de ce délai supplémentaire accordé par le législateur.
Article 5 :
L’article 5 de l’ordonnance prévoit également un mécanisme de prorogation :
« Lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période définie au I de l'article 1er, de deux mois après la fin de cette période. »
La « période définie » s’étalant du 12 mars au 24 juin 2020 inclus, le délai sera prolongé de plein droit de deux mois après la fin de la « période définie » soit à compter du 25 juin 2020 jusqu’au 25 août 2020 inclus.
NB : la rédaction prête à nouveau à confusion :
- Hypothèse n°1 : Un bail arrive à échéance le 20 septembre 2020 et le délai du bailleur pour délivrer congé expire le 20 mars 2020, soit à l’intérieur de la « période définie » (du 12 mars au 25 juin 2020 à 00h00). Le bailleur peut-il délivrer congé après le 20 mars 2020 ? A la lecture stricte du texte, on pourrait penser que le bailleur aurait jusqu’au 25 août 2020 pour délivrer congé à effet du 20 septembre 2020. Le bailleur bénéficierait donc a priori d’un délai de préavis raccourci. Cette interprétation est difficilement compréhensible puisqu’elle aurait pour effet de réduire le temps d’information et d’organisation du départ du locataire…
- Hypothèse n°2 : Le texte vise en réalité la prolongation du jour de prise d’effet de la résiliation.
Ex : Un bailleur a donné congé à son preneur le 20 septembre 2019 pour le 20 mars 2020, date d’expiration du bail. La date d’effet du congé serait alors prolongé jusqu’au 25 août 2020, afin de rendre possible la libération des lieux. Cette interprétation du texte paraît toutefois difficile à mettre en œuvre bien que plus cohérente avec l’esprit des mesures adoptées.
En tout état de cause, des ordonnances, des décrets ou, au plus tard, la jurisprudence viendront clarifier les mesures à effectuer dans le cadre des congés.
Points communs à tous les articles et précisions de la circulaire de présentation des dispositions du Titre I n° CIV/01/20 du 26 mars 2020 :
Il convient de préciser que ces délais sont facultatifs. En effet, la circulaire relative à l’ordonnance précise que l’article 2 ne prévoit ni une interruption ni une suspension mais un mécanisme sui generis.
Dès lors, si le bénéficiaire d’un droit souhaite utiliser une de ses prérogatives pendant le délai d’état d’urgence sanitaire, rien ne pourra l’empêcher de le faire. Le but n’est pas ici de paralyser l’économie nationale. Il s’agit donc d’un délai supplémentaire, qui n’est en aucun cas un délai à respecter obligatoirement.
Toutefois, malgré la nature sui generis de ce délai, il suit le régime de l’interruption. En conséquence, les délais recommenceront à courir en repartant de zéro à compter du 25 juin 2020 à 00h00. Cependant ces délais recommençant à courir ne pourront pas dépasser un délai butoir de deux mois.
Par ailleurs, rien ne semble empêcher la possibilité de déroger contractuellement à ces nouveaux délais dans les futurs contrats à venir pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Ainsi, pour un contrat conclu avant le 12 mars 2020, il semble possible de renoncer aux délais supplémentaires consacrés par l’ordonnance par avenant.
En outre, si un acte, comme une promesse par exemple, est conclu pendant l’état d’urgence sanitaire, une partie pourrait renoncer à ces délais en toute connaissance de cause. Il conviendra alors d’introduire une clause de conseil dans l’acte.
Il est également important de préciser que ces prorogations ne s’appliquent qu’aux délais légaux et réglementaires et ne concernent donc pas les contrats, exception faite des clauses pénales, des clauses résolutoires ou encore des astreintes (articles 4, 5 et 6).
En effet, les astreintes qui sanctionnent l'inexécution d'une obligation pendant un délai qui a expiré pendant l’état d’urgence sanitaire ne produisent leurs effets qu'à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de celui-ci. Encore une fois, ces délais restent facultatifs pour le débiteur. Rien ne l’empêche de s’exécuter pendant cette période d’état d’urgence sanitaire.
Ainsi, nous attirons votre attention sur le fait qu’il semblerait que, par exemple, les délais de réitération de consentement devant notaire, la réalisation d’une condition suspensive, le délai d’option d’une promesse unilatérale de vente ou autres conditions purement contractuelles ne sont pas concernés par l’ordonnance. Pour le moment, ces délais ne semblent donc pas suspendus.
En outre, comme il a pu être vu, les délais administratifs sont prolongés car concernés par l’ordonnance.
Se pose alors une question lorsqu’est adossé un délai conventionnel à un délai légal, notamment en matière de condition suspensive. En effet, prenons l’exemple d’une promesse stipulant que le permis doit être obtenu et purgé de tout recours en prévoyant une date butoir. Un problème peut survenir puisque le délai d’instruction sera prorogé par l’ordonnance mais le délai butoir conventionnellement prévu lui ne fait l’objet d’aucune adaptation puisque l’ordonnance ne s’applique qu’aux délais légaux.
Il en va de même avec les contrats portant une clause suspensive de permis de construire définitif.
Cela pourrait être un moyen de renoncer à l’opération pour la partie ayant intérêt à se prévaloir de cette caducité.
En conséquence, en l’absence d’avenant, la condition pourrait donc défaillir si à la date butoir le permis n’est pas purgé du fait de l’augmentation des délais d’instruction et de recours.
Enfin, pour justifier d’une inexécution contractuelle, il faudra se fonder sur le droit commun comme le dit le rapport de présentation de l’ordonnance qui renvoie explicitement aux articles 2234 et 1218 du Code civil.
Les mécanismes envisageables sont donc :
- la force majeure (article 1218 du Code civil) ;
- l’imprévision (article 1195 du Code civil) ;
- l’exception d’inexécution (articles 1219 et 1220 du Code civil) ;
- la réduction du prix (article 1223 du Code civil) ;
- la résolution par notification ou devant le juge (article 1224 du Code civil).
A noter que ces mécanismes ne sont pas d’ordre public et les parties peuvent donc y déroger. Il faudra faire attention à la rédaction des contrats et bien prévoir les causes légitimes de retard ainsi que la définition de la force majeure.
II. Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19
L’article 4 de l’ordonnance prévoit que :
« Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Cette ordonnance a été prise afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des très petites entreprises.
Par ailleurs, ces TPE pourront demander le report du paiement des factures non acquittées et leur rééchelonnement sur au moins six mois, sans pénalité.
Les entreprises concernées sont les entreprises ou travailleurs indépendants :
- de moins de 10 salariés,
- d’un million d’euros de chiffre d’affaires au maximum,
- ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou ayant subi une perte d’au moins 70% de leur chiffre d’affaires par rapport à mars 2019. Selon une déclaration du Ministre de l’économie, Bruno le Maire, ce seuil sera ramené à 50%.
Les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.
Ainsi, pour les preneurs entrant dans ce champ d’application, le bailleur ne dispose plus des outils juridiques lui permettant de sanctionner l’absence de paiement du preneur qui ne peut plus encourir « d’exécution de clause résolutoire » à raison d’un défaut de paiement de loyers et charges échus entre le 12 mars 2020 et le 25 juillet 2020.
De plus, l’article 4 est rédigé largement et prévoit l’impossibilité d’actionner « des garanties ou cautions ». Il semble donc interdit au bailleur de se faire payer par un tiers.
Enfin, la rédaction large semble aussi empêcher toute compensation du défaut de paiement avec le dépôt de garantie et d’imposer au preneur la reconstitution de ce dernier.
En tout état de cause, il convient de préciser que ces articles n’autorisent pas les preneurs, qu’ils rentrent ou non dans le champ d’application de l’ordonnance 2020-316, à ne pas payer leurs loyers à échéance, mais ont seulement pour effet de neutraliser les clauses sanctionnant l’inexécution des obligations contractuelles comme les clauses pénales, les clauses résolutoires, les clauses de déchéances ou les intérêts de retard par exemple.
Ainsi, se pose la question de la validité d’un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer un arriéré locatif échu dans la période définie (entre le 12 mars et le 24 avril) ? La même question se pose s’agissant de la recevabilité d’une action en résiliation de plein droit du bail qui se fonderait sur un commandement visant des sommes dont l’échéance rentre dans la période définie ?
Ou les effets du commandement de la clause résolutoire suivront-ils le traitement prévu par l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 qui prévoit un mécanisme une extension du délai imparti pour régler les cause du commandement ?
La cohérence d’application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 et de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 n’est pas ici évidente.
En outre, en pratique, il risque d’être compliqué de réussir à trouver un huissier pour faire signifier le commandement de payer par acte extrajudiciaire au preneur.
Il n’est pas improbable qu’un juge considère que la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire pendant l’état d’urgence sanitaire caractérise la mauvaise foi du bailleur.
De plus, il convient de mentionner un risque pour ces derniers. En effet, la clause résolutoire n’étant acquise qu’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, le bailleur devra ensuite procéder à une assignation en référé pour faire constater l’acquisition de la clause.
Par ailleurs, il existe un risque de voir le preneur placé sous le coup d’une procédure collective.
Or, le jugement ouvrant la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du preneur emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture. Le bailleur n’aura alors d’autres choix que de déclarer sa créance sans possibilité de recouvrer son arriéré locatif né antérieurement au jugement d’ouverture (art. L.622-21 du Code de commerce).
Cependant, cet article n’interdit aucunement au bailleur de faire jouer les mécanismes classiques du droit commun sanctionnant l’inexécution du contrat, exposés ci-dessus. Afin de les actionner, il conviendra de bien étudier le contrat de bail car les parties peuvent avoir convenu d’y déroger.
III. Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale
Cette ordonnance reporte du 31 mars au 31 mai 2020 la fin de la trêve hivernale, c'est-à-dire la période durant laquelle les mesures d'expulsion locative sont suspendues (article 2).
Cette ordonnance permet donc de surseoir à toute mesure d'expulsion non exécutée, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Durant cette même période, les fournisseurs ne peuvent pas couper l'électricité, le gaz ou le chauffage des personnes qui n'ont pas payé leurs factures.
IV. Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
Cette ordonnance a pour but d’alléger le fonctionnement des juridictions civiles, sociales et commerciales, en assouplissant les modalités d'organisation des audiences et en permettant l'information des parties et l'organisation du contradictoire par tout moyen.
De plus, pour faciliter le fonctionnement des copropriétés (article 22), elle prévoit le renouvellement de contrats de syndic de copropriété qui expirent ou ont expiré depuis le 12 mars 2020.
Du fait de l’ordonnance, les contrats de syndic en exercice seront renouvelés jusqu’à la prise d’effet d’un nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires.
Toutefois, cette assemblée générale ne pourra être organisée qu’après à la fin de l’état d’urgence sanitaire et au plus tard le 31 décembre 2020.
Par ailleurs, les dispositions de l’ordonnance « ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant [le 26 mars 2020], un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020 ».
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