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Contrôle des investissements étrangers en France
Synthèse de l'actualité de l'été 2025Sep 10, 2025L’actualité du contrôle des investissements étrangers s’est révélée particulièrement riche durant l’été 2025, avec la publication par la Direction Générale du Trésor de nouvelles lignes directrices ainsi que de son rapport annuel 2024.
Tour d’horizon des principaux points d’attention.
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Une révision a minima des lignes directrices, qui apportent néanmoins des précisions utiles
Le 29 juillet 2025, la Direction générale du Trésor, à laquelle est rattachée le bureau du contrôle des investissements étrangers en France (« Bureau CIEF ») a publié des lignes directrices révisées relatives au contrôle des investissements étrangers en France (« Lignes Directrices »).
Ces Lignes Directrices remplacent celles du 8 septembre 2022, pour tenir compte des modifications règlementaires intervenues depuis et des évolutions de la pratique doctrinale du Bureau CIEF. Si la structure et le contenu du document restent pour l’essentiel inchangés, la version actualisée apporte des précisions bienvenues.
Parmi les modifications notables figurent :
- Des précisions sur les opérations menées par des fonds, et notamment (i) le fait qu’un fonds étranger est considéré comme un investisseur étranger même si sa société de gestion est française, et (ii) que s’il n’est pas obligatoire de préciser lors du dépôt d’une demande l’identité de tous les souscripteurs du fonds, cette précision peut être demandée à tout moment pendant la procédure d’instruction si elle est jugée nécessaire par le Bureau CIEF.
- L’intégration dans les « investissements » concernés par le contrôle IEF de l’acquisition du contrôle d’un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS). Les Lignes Directrices précisent également la portée de cet ajout, en indiquant qu’une opération indirecte, via l’acquisition d’une entité de droit étranger possédant un tel établissement, constitue un investissement éligible au contrôle.
- L’actualisation de la liste des activités considérées comme « sensibles », en précisant notamment la notion de « matière première critique » visée au Code monétaire et financier et en intégrant la photonique (applications liées au spectre lumineux – laser, fibre optique, etc.) dans la liste des technologies critiques.
- L’invitation pour les parties déposant une demande d’autorisation à inclure une description détaillée des activités exercées par la cible et des prestations, services et produits fournis, le cas échéant filiale par filiale, étant précisé que des descriptions sommaires seront considérées comme insuffisantes.
- Un rappel de l’obligation de déposer les demandes adressées au Bureau CIEF via la plateforme dématérialisée IEF, qui existe depuis octobre 2023 mais qui n’était pas visée dans les précédentes lignes directrices.
- Des précisions sur la procédure d’instruction si l’entité de droit français fait l’objet d’une procédure collective, et notamment une invitation faite aux administrateurs judiciaires et aux repreneurs potentiels de prendre l’attache du bureau CIEF au plus tôt, en amont du dépôt formel des offres.
- Les Lignes Directrices ont donc été l’occasion pour la Direction Générale du Trésor de détailler davantage, pour les investisseurs et les praticiens, le régime du contrôle IEF.
- On peut néanmoins regretter que cette actualisation n’ait pas été l’occasion de détailler davantage la typologie des conditions susceptibles d’être imposées et dans quelles circonstances, les Lignes Directrices restant relativement imprécises sur ce sujet pourtant critique (même si le Rapport annuel 2024 comble partiellement cette lacune, cf. infra).
Publication du rapport annuel 2024
Le 30 juillet 2025, la Direction générale du Trésor a publié son rapport annuel pour l’année 2024.
Il confirme la hausse significative des investissements étrangers dans les secteurs sensibles en France et, corrélativement, du contrôle IEF. Ainsi, en 2024 :
- Le Bureau CIEF a reçu 392 demandes d’autorisation et d’avis (contre 309 l’année précédente).
- 182 opérations, jugées éligibles au contrôle, ont été autorisées (contre 135 l’année précédente).
Il montre par ailleurs un durcissement du contrôle exercé, puisque le rapport annuel indique que :
- 99 autorisations ont été assorties d’une obligation de respecter certaines conditions en 2024, soit 54% des autorisations (contre 60 en 2023, soit 44% des autorisations délivrées), alors que cette proportion est de 10% seulement au niveau de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne disposant d’un mécanisme de filtrage des investissements étrangers.
A cet égard et pour la première fois, le rapport cite quelques exemples concrets de conditions imposées (« s’assurer qu’un portefeuille de brevets issu d’un domaine sensible de la recherche médicale reste détenu et exploité par une société française » ou encore « garantir le maintien d’une activité de production de matériels de guerre en France, afin de prévenir le risque que celle-ci ne soit soumise à la législation d’un Etat étranger susceptible d’y faire obstacle »).
- 6 investissements étrangers ont été refusés au titre du contrôle IEF au cours des trois dernières années (les dossiers concernés et les raisons de l’interdiction ne sont néanmoins pas détaillés) et « plusieurs » demandes d’autorisation ont par ailleurs été retirées spontanément par l’investisseur avant qu’une décision de refus ne soit prononcée.
Le rapport précise que les autorisations délivrées ont concerné des secteurs divers et des investisseurs issus tant de l’Union européenne que de pays tiers :
- 26% des autorisations ont concerné des activités sensibles « par nature » (défense et sécurité), 37% des infrastructures, biens ou services essentiels (énergie, eau, transport, sécurité alimentaire, etc.), 14% des activités de recherche et développement et qui portent sur certaines technologies critiques ou sur des biens et technologies à double usage, et 22% des activités « mixtes » qui relèvent de plusieurs des catégories précitées.
- 65% des opérations contrôlées concernaient un investisseur hors Union européenne (avec en tête les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse) et 35% des Etats membres (avec en tête le Luxembourg, l’Allemagne et les Pays-Bas).
Le rapport apporte également des précisions intéressantes sur le recours plus fréquent par les investisseurs à la demande de révision des conditions imposées (qui peut peut-être s’expliquer par le « stock » grandissant d’autorisations sous conditions). La Direction générale du Trésor indique ainsi qu’au cours de l’année 2024 huit demandes de révision ont été présentées, parmi lesquelles 7 ont été acceptées.
Enfin, le rapport précise que, 17 décisions ont été rendues concernant des sociétés placées en procédure collective (contre 9 l’année précédente), ce qui n’a rien de surprenant dans le contexte économique actuel.
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