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Publication des nouvelles lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations du 23 juillet 2020 : qu’est-ce qui change?

Publication des nouvelles lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations du 23 juillet 2020 : qu’est-ce qui change?

Jul 29, 2020
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Summary

Le 23 juillet 2020, l’Autorité de la concurrence a publié ses nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations après plus de deux ans de réflexion et de consultation. Ces lignes directrices, immédiatement applicables, sont opposables aux entreprises par l’Autorité et directement invocables par les parties à une concentration. Elles se substituent aux lignes directrices publiées en juillet 2013. Elles intègrent (i) quelques innovations procédurales (demande de désignation d’une équipe avant la pré-notification, extension de la procédure simplifiée), ainsi que (ii) plusieurs références à la pratique décisionnelle récente de l’Autorité quant à la grille d’analyse au fond d’une opération (par exemple pour la prise en compte des ventes en ligne).

Le 23 juillet 2020, l’Autorité de la concurrence (l’« Autorité ») a publié ses nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations (les « Lignes Directrices »), après plus de deux ans de réflexion et de consultation. Ces Lignes Directrices, qui se substituent avec application immédiate aux précédentes publiées en juillet 2013, sont opposables aux entreprises par l’Autorité et directement invocables par les parties à une concentration. Elles intègrent les évolutions de la pratique décisionnelle récente et apportent également quelques nouveautés.

Nous revenons ci-après sur les principaux apports de ces Lignes Directrices, sur les aspects procéduraux (1) et quant à l’analyse au fond d’une opération (2).

1. Les améliorations apportées à la procédure

Les Lignes Directrices prévoient désormais que les parties à une opération de concentration pourront, en amont de la notification, formuler une demande de désignation d’une équipe en charge de l’examen du dossier au sein de l’Autorité. Cette demande devra contenir un certain nombre d’informations et notamment une brève description de l’opération (nature de l’opération, activité des parties, marchés concernés, marchés affectés, effets de l’opération). L’Autorité s’engage alors à répondre sous 5 jours ouvrés en indiquant le nom de l’adjoint au chef de service chargé de l’examen du dossier (§188 et s.). Ce mécanisme, fortement inspiré de celui mis en place par la Commission européenne, avait été réclamé par les contributeurs aux consultations publiques menées en 2018 et fin 2019. 

Par ailleurs, l’Autorité indique qu’elle informera les parties du caractère complet ou non de leur dossier de notification (lettre de « complétude ») dans les 10 jours suivant son dépôt (§207 et s.). Même si ce délai est indicatif, cette amélioration devrait permettre de donner plus de visibilité aux parties sur le calendrier de la procédure. 

S’agissant du contenu du dossier de notification, les Lignes Directrices reprennent les allègements du formalisme d’ores et déjà institués par le décret n° 2019-339 du 18 avril 2019 portant simplification du dossier de notification d’une opération de concentration à l’Autorité de la concurrence : 

  • le seuil de parts de marché à partir duquel un marché est considéré comme verticalement affecté - pour lequel les informations à fournir sont beaucoup plus détaillées – est augmenté de 25 à 30%,
  • l’annexe financière devant être fournie avec le dossier de notification ne requiert plus que 12 données financières contre 93 auparavant (ce dont on ne peut que se réjouir tant cette annexe suscitait l’incompréhension des entreprises), et
  • un seul exemplaire papier du dossier doit être communiqué, contre 4 auparavant.

Une annexe est par ailleurs consacrée aux demandes de communication de documents internes à l’entreprise que l’Autorité peut être amenée à formuler dans le cadre de la phase de pré-notification ou de notification. Les Lignes Directrices précisent dans quelles circonstances ces demandes peuvent intervenir et quels types de documents peuvent être concernés. Ces précisions, qui visent à apporter aux entreprises davantage de visibilité et de transparence sur les demandes susceptibles d’être adressées par l’Autorité, laissent toutefois une marge de manœuvre très importante à cette dernière. La seule limite qu’elle se fixe tient à un critère de proportionnalité, dont les contours ne sont pas définis : « l’Autorité veille à ce que les demandes de documents internes soient proportionnées aux exigences de l’instruction du dossier » (§842 et s.).

De manière plus novatrice, les Lignes Directrices apportent un certain nombre de précisions et d’améliorations portant sur la procédure simplifiée.

D’abord, elles étendent le champ des opérations éligibles à cette procédure. Désormais, le critère n’est plus uniquement celui des parts de marché. Seront également éligibles à cette procédure :

  • les acquisitions d’un contrôle exclusif d’une entreprise lorsque l’acquéreur exerçait un contrôle conjoint,
  • la création d’entreprise commune de plein exercice exclusivement active en dehors du territoire national, et 
  • la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier en vente à l’état futur d’achèvement (§230 et s.).

Ensuite, les Lignes Directrices prévoient que les parties seront informées de l’éligibilité de l’opération à la procédure simplifiée concomitamment à l’envoi de la lettre de complétude, soit dans les 10 jours de la notification. 

De manière également appréciable, les Lignes Directrices entérinent la procédure de notification dématérialisée, mise en place par l’Autorité depuis fin 2019. Certaines opérations peuvent ainsi être pré-notifiées et notifiées via un formulaire devant être rempli en ligne (accessible sur le site demarches-simplifiees.fr). Sont éligibles à cette procédure les opérations qui ne sont pas susceptibles, en première analyse, de poser des problèmes de concurrence, à savoir (i) celles notifiées à raison du franchissement des seuils spécifiques applicables aux magasins de commerce de détail (à condition qu’elles n’entraînent pas un changement d’enseigne), ainsi que (ii) les opérations qui ne s’accompagnent d’aucun lien de nature horizontale, verticale ou conglomérale entre les activités des parties (§234 et s.).

Enfin, l’Autorité revient sur les différentes infractions procédurales en matière de contrôle des concentrations, en faisant référence dans les Lignes Directrices à sa pratique décisionnelle récente, en particulier en matière de défaut de notification et de gun jumping (§163 et s.), ainsi qu’en matière de non-respect des engagements (§456 et s.). 

2. Les clarifications sur l’analyse au fond d’une opération

L’Autorité profite de ces nouvelles Lignes Directrices pour présenter de manière plus pédagogique que dans la précédente version les différentes étapes de l’analyse concurrentielle en matière de contrôle des concentrations.

Elle rappelle de manière détaillée la méthodologie de délimitation des marchés pertinents qu’elle applique (§511 et s.). L’Autorité revient ensuite sur les caractéristiques des marchés concernés dont elle peut tenir compte dans son analyse (§563 et s.), puis sur les différents effets susceptibles d’être générés par une opération de concentration et les critères d’analyse de chacun de ces effets (§614 et s.).

Les Lignes Directrices consacrent par ailleurs des développements nourris aux mesures correctives que peuvent proposer les parties à une opération (§354 et s.) et reviennent sur les conditions de leur révision (§442 et s.). Elles contiennent à cet égard des précisions sur l’articulation entre les mesures comportementales et les mesures structurelles. Si l’Autorité considère généralement que les secondes permettent de répondre aux problèmes horizontaux, elle reconnaît que les engagements comportementaux peuvent également répondre, dans certaines circonstances, à des problématiques de chevauchement d’activité (§405 et s.).

L’Autorité a par ailleurs profité de la publication de ces Lignes Directrices pour indiquer, comme elle l’avait annoncé dans sa contribution de février 2020 sur la politique de concurrence et les enjeux numériques, qu’elle pourra étendre la dimension temporelle de son analyse prospective, pour tenir compte des « évolutions en cours ou anticipées à un horizon raisonnable, qui dépend des spécificités du secteur ». Ce changement a priori discret pourrait néanmoins répondre à une préoccupation majeure s’agissant d’opérations réalisées dans le secteur du numérique, à savoir la nécessaire prise en compte d’effets susceptibles de se produire plusieurs années après la réalisation de l’opération (§518).

Des développements nouveaux et détaillés figurant en annexe sont par ailleurs consacrés, notamment à :

  • l’analyse locale dans le secteur du commerce de détail. L’Autorité détaille la méthodologie qu’elle retient pour ce type d’opération. Elle explique notamment dans quelles circonstances elle peut retenir comme délimitation démographique du marché l’empreinte réelle du point de vente plutôt qu’une zone isochrone (c’est-à-dire la zone à égal temps de trajet/distance du point de vente), et expose l’analyse à laquelle elle procède pour les zones « problématiques » (§822 et s.) ;
  • la prise compte des ventes en ligne. L’Autorité liste et détaille les critères d’analyse qu’elle retient pour apprécier la substituabilité entre les ventes en ligne et les ventes en magasin physique, et notamment le taux de pénétration des ventes en ligne, l’organisation interne des opérateurs du secteur, l’uniformisation tarifaire des différents canaux, les taux de report existants, etc. (§838 et s.).

Enfin, Les Lignes Directrices incluent, comme cela avait été demandé par une grande majorité des contributeurs à la consultation publique menée en 2019, un modèle d’engagement structurel et un modèle de contrat de mandat à jour des évolutions récentes de la pratique décisionnelle.

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