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Jugement historique rendu par le Tribunal judiciaire de Paris, chambre 1-7, le 5 janvier 2022, RG 17/07001.

Jugement historique rendu par le Tribunal judiciaire de Paris, chambre 1-7, le 5 janvier 2022, RG 17/07001.

Jan 26, 2022
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Summary

The Paris Court has ruled against Sanofi in the Depakine case on the class action initiated by an association.

According to a parliamentary report dated 11 June 2020, only twenty-one class actions have been brought to court since the mechanism came into force in France on 1 October 2014 (in consumer matters). Until recently, only decisions on procedural issues and decisions dismissing the cases have been rendered.

The decision rendered on 5 January 2022 is the very first decision to rule on the merits against a professional entity subject to a class action. The class action in this case was introduced on the grounds of the provisions of the Public Health Code resulting from the law dated 26 January 2016.

En bref : Le Tribunal de Paris a condamné Sanofi dans l'affaire Dépakine lors de l'action de groupe initiée par une association.

Selon un rapport parlementaire du 11 juin 2020, seules vingt-et-une actions de groupe ont été portées devant les tribunaux depuis l'entrée en vigueur du dispositif en France le 1er octobre 2014 (en matière de droit de la consommation). Jusqu'à récemment, seules des décisions sur des questions de procédure et des décisions de rejet ont été rendues.

Cette décision du 5 janvier 2022 est la toute première à statuer sur le fond contre un professionnel par une action de groupe. En l'espèce, l'action a été introduite sur le fondement des dispositions du Code de la santé publique issues de la loi du 26 janvier 2016.

Pour rappel, en droit français, c’est l’association agréée elle-même et non le groupe qui excipe d’un droit à agir. Par ailleurs, l'action de groupe permet d'indemniser toutes les personnes subissant un préjudice causé par une faute commise dans la production, la fourniture ou la délivrance d'un produit de santé. Instituées par la loi du 18 novembre 2016, les dispositions des articles L. 1143-1 et suivants du code de la santé prévoient deux phases à l'action :

  • Dans un premier temps, un jugement vise à déterminer l'étendue de la responsabilité du professionnel : dans cette phase, le juge doit apprécier la recevabilité de l'action et la responsabilité du défendeur. Le juge déterminera également (i) les critères d'indemnisation ; (ii) les critères permettant de définir les membres du groupe; et (iii) les modes d'information des membres du groupe du jugement qui a été rendu. En application du code de la consommation, le tribunal décidera des mesures appropriées pour informer les membres du groupe du jugement statuant sur la responsabilité. Une fois cette information effectuée, chaque membre du groupe a la possibilité de se manifester pour adhérer à l'action.
  • Puis vient la seconde phase qui est celle de l’exécution du jugement et d'indemnisation individuelle.

L’action : L'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC) représente de nombreuses familles dont les mères ont pris un traitement médical pour leur épilepsie, notamment le médicament Dépakine (dont le principe actif est l'acide valproïque ou valproate de sodium) et ses dérivés (Dépakine Chrono, Micropakine, Dépakote et Dépamide), pendant leur grossesse.

L'association a mis en œuvre une action de groupe à l’encontre du laboratoire Sanofi-Aventis France par assignation du 2 mai 2017. Sanofi a à son tour appelé dans la cause l'Office national d'indemnisation des victimes d'affections iatrogènes, des infections nosocomiales et des accidents médicaux (ONIAM) et son assureur, la société Allianz Global Corporate & Specialty SE.

La décision : Par jugement du 5 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris - après avoir écarté les prétentions relatives à l’irrecevabilité des demandes, la demande tendant à écarter une expertise judiciaire réalisée dans le cadre pénal, la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale et une demande de réouverture des débats, a notamment jugé ce qui suit :

  • Sanofi a commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information à l'égard des enfants exposés avant le 22 mai 1998 au médicament Dépakine et ses dérivés sur le fondement des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du Code civil, entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles du neuro-développementaux. Tout en reconnaissant qu'un consensus scientifique s’était dégagé sur le fait que ces médicaments sont parmi les meilleurs au monde pour traiter les patients d’épilepsie, le tribunal a relevé que, selon les données de la littérature scientifique, la possibilité de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero, en ce qui concerne les anomalies de fermeture du tube neural (le système nerveux primitif de l'embryon) pouvait être qualifiée d’association probable à partir de 1984. En ce qui concerne les malformations majeures, cette association pourrait être qualifié de probable en 1990-1992. Concernant une association possible entre les troubles du comportement, notamment les troubles du spectre de l’autisme, et l'exposition prénatale au valproate, une association probable en 2008-2009 a été retenue par le tribunal. C’est ainsi qu’il a considéré que le laboratoire aurait dû, dès 1984, solliciter la modification de la notice du médicament Dépakine et de ses dérivés auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament afin de donner une information claire et précise conformes aux données acquises de la science aux professionnels de santé, aux patients et au grand public, ce qu’il n’a fait qu’en mai 2003 et en donnant pas tous les éléments d’information à cette agence, ce qui a conduit cette dernière à rejeter les deux premières demandes comme insuffisamment étayées, avant d'accepter les modifications en janvier 2006 et avril 2015.
  • Sanofi a produit et commercialisé un produit défectueux sur le fondement des articles 1386 et 1245 et suivants du Code civil pour les enfants exposés à compter du 22 mai 1988 concernant la Dépakine et ses dérivés, entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles du neuro-développementaux. Le tribunal a considéré que la présentation du médicament dans la notice d'information destinée aux patients ne contenait pas l’information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero et un risque de troubles développementaux et cognitifs, et ce jusqu’à la demande de modification de la notice en janvier 2006. Le Tribunal en a déduit que lors de la prise du médicament litigieux, du 22 mai 1998 au 25 janvier 2006 inclus en ce qui concerne la possibilité de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero et de janvier 2001 au 25 janvier 2006 inclus en ce qui concerne le risque de troubles développementaux et cognitifs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et que le médicament litigieux était défectueux.

Le Tribunal a ensuite fixé les critères d’adhésion au groupe d’usagers du système de santé et dit que ces usagers pouvaient prétendre à une perte de chance de choisir une alternative thérapeutique moins dangereuse de 95%;

Il a également décidé que les demandes d’adhésion au groupe peuvent être présentées au choix des requérants auprès soit de Sanofi soit de l’APESAC, pendant un délai de 5 ans. Le tribunal a ordonné des mesures de publicité extensives du jugement dans de nombreux journaux quotidiens ou hebdomadaires français et a condamné le laboratoire et l’assureur à une provision d’un montant de 120 000 euros à valoir sur les frais à venir pour mettre en place la seconde phase d’indemnisation dans le cadre de la procédure d’action de groupe.

Enfin, il a rejeté une demande de consignation de 400 000 euros auprès des Caisses des dépôts et consignation.

Pour rappel, la Cour d'appel d'Orléans, dans un arrêt du 20 novembre 2017, et la Cour de cassation, dans une décision du 27 novembre 2019, avaient déjà établi le caractère défectueux de la Dépakine en raison de l'absence d'information dans la notice destinée aux femmes enceintes.

Chaque membre du groupe a désormais la possibilité de se manifester pour participer à l'action.

En se joignant au groupe, les membres de la classe donnent à l'association à l'origine de l'action de groupe, le mandat de négocier le niveau approprié d'indemnisation. Dans ce cas, l'indemnisation pourrait atteindre des dizaines de millions d'euros.

Après le jugement sur la responsabilité, l'association peut négocier et convenir avec le défendeur du montant de l'indemnisation, dans les limites fixées par le juge. Le défendeur qui transige est alors tenu de distribuer l'indemnité convenue pour les pertes subies aux membres du groupe qui ont choisi de participer. Le juge qui a statué sur la responsabilité doit alors approuver le règlement, ou le règlement partiel, conclu entre les parties et accepté par les membres du groupe concerné. Dans l'hypothèse où aucun accord n'est trouvé entre les parties, le juge est chargé de statuer sur l'indemnisation.

La procédure de recours collectif se termine soit par des jugements de liquidation des dommages, si nécessaire, soit par la déclaration de rejet de l'action.

Nos commentaires : Il s'agit non seulement de la toute première décision de condamnation d'une entité professionnelle faisant l'objet d'une action de groupe mais aussi de la première décision sur le fond concernant la responsabilité du fait d'un produit de santé. Il a fallu près de cinq ans pour arriver à cette décision de première instance et il faudra encore plusieurs années avant qu'une décision finale d'indemnisation soit rendue en fonction de la responsabilité de Sanofi. Ce n'est qu'à ce moment-là, et en l'absence de médiation, que le regroupement des consommateurs et son indemnisation ultérieure pourront avoir lieu.

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