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L’Union Européenne contre la déforestation : les entreprises concernées disposent encore de 8 mois pour prendre leurs dispositions

L’Union Européenne contre la déforestation : les entreprises concernées disposent encore de 8 mois pour prendre leurs dispositions

Jun 04, 2024
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Le 30 décembre prochain, le règlement [1] européen du 31 mai 2023 sur la déforestation entrera en vigueur dans tous les pays de l’UE. Ces nouvelles règles qui ont pour objectif de lutter contre le phénomène de déforestation importée, imposent aux opérateurs la mise en place d’un strict système de traçabilité des produits qu’ils mettent à disposition sur le marché européen ou qu’ils exportent de ce marché.

Alors que les importations européennes sont responsables d'environ 16 % de la déforestation mondiale, plaçant l’Europe en deuxième position derrière la Chine selon le WWF, l’UE a adopté le 31 mai 2023 un nouveau règlement relatif à la déforestation importée. Après avoir été adopté à une large majorité (552 voix pour, 44 contre et 43 abstentions) en avril 2023 par le Parlement Européen, il est entré en vigueur le 29 juin 2023. Les obligations issues du règlement seront effectives à partir du 30 décembre 2024 et à partir du 30 juin 2025 pour les PME[2]. Ce règlement s’inscrit dans le cadre du Pacte Vert, destiné à faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat à l’horizon 2050.

L’esprit du règlement est de permettre aux consommateurs européens de ne plus être responsables malgré eux de la dégradation des forêts et de la déforestation afin de lutter contre le phénomène dit de « déforestation importée ». La déforestation importée correspond à l'approvisionnement de matières premières ou de produits transformés dont la production contribue, directement ou indirectement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la conversion d’écosystèmes naturels dans les pays producteurs.

De nombreux concernés par le règlement.

Le règlement s’applique à sept produits de base potentiellement concernés par des activités de déforestation (bovins, cacao, café, palmier à huile, caoutchouc, soja et bois) et aux produits manufacturés qui en contiennent, dits « produits en cause », qu’ils soient produits ou non au sein de l’UE. La liste précise de ces produits et de leurs variantes figurent en Annexe I du règlement et comprend, de manière exhaustive, des produits tels que le cuir, les préparations alimentaires contenant du cacao, la viande de bovins, le cuir, les dérivés de l'huile de palme, les produits en caoutchouc naturel, les produits à base de papier…

En raison du très grand nombre de produits susceptibles d’être concernés par cette nouvelle législation, de nombreux secteurs et industries, bien au-delà du seul secteur alimentaire seront impactés, et ce d’autant qu’il n'y a pas de seuil en volume ou en valeur.

Les nouvelles obligations édictées concernent les opérateurs, c’est à dire les personnes qui, dans le cadre d’une activité commerciale, mettent, pour la première fois, les produits en cause sur le marché européen et/ou les exportent. Elle s’applique également aux commerçants, personnes qui dans le cadre d’une activité commerciale, revendent et distribuent les produits sur le marché c’est-à-dire qui fournissent un produit destiné à être distribué, consommé ou utilisé sur le marché de l’UE dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit.

De nouvelles conditions à satisfaire avant de mettre un produit à disposition sur le marché européen ou de l’exporter.

Concrètement, trois conditions doivent être satisfaites avant que les produits en cause puissent être mis sur le marché de l’UE, mis à la disposition sur le marché de l’UE ou exportés à partir du marché de l’UE.

  1. Les produits doivent être « zéro déforestation » c’est-à-dire qu’ils ne contiennent pas de produits provenant de parcelles ayant fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020, ou qu’ils n’ont pas été nourris ou fabriqués à partir de tels produits. Pour les produits qui contiennent ou qui ont été fabriqués en utilisant du bois, il faut que le bois ait été coupé sans induire de dégradation de la forêt après le 31 décembre 2020[3].
  2. Les produits doivent être produits dans le respect de la législation pertinente du pays de production. Cela englobe non seulement les législations environnementales, fiscales et sociales mais également les règles de protection des droits de l’homme et des peuples autochtones.
  3. Enfin, et c’est là la condition la plus contraignante pour les entreprises, chaque entrée sur le marché de lots de produits doit être accompagné d’une déclaration de diligence raisonnée (plus communément appelée due diligence) de la part des opérateurs et commerçants, qui doivent garantir que les produits qu’ils commercialisent ne sont pas issus de la déforestation et qu’ils respectent la législation locale pertinente. Les informations devant figurer au sein de la déclaration de diligence raisonnée sont précisées en Annexe II du règlement.

L’obligation de mise en place d’un système de due diligence.

Chaque année, les opérateurs (cela ne concerne pas les PME[4]) devront publier leur système de due diligence et les mesures prises pour se conformer au règlement, sans quoi ils ne pourront commercialiser leurs produits. L’élaboration des due diligence passe par la collecte d’informations et données, notamment sur les produits[5] et sur la législation pertinente du pays de production puis par une évaluation du risque que les produits destinés à être commercialisés ne soient pas conformes, selon plusieurs critères (présence de forêts dans la zone de production, présence de populations autochtones…), afin d’attester qu’ils sont « zéro déforestation ». Seuls les produits en cause présentant un risque nul ou négligeable de non-conformité pourront faire l’objet d’une mise sur le marché ou d’une exportation. Ces informations devront être conservées pendant cinq ans. Cette évaluation devra être réexaminée au moins une fois par an, et être mise à disposition des autorités compétentes des Etats membres sur un Système d’Information.

Les opérateurs et commerçants concernés devront enfin mettre en place des mesures d’atténuation des risques afin de parvenir à un risque nul ou négligeable. Si le risque est nul ou négligeable, le produit pourra être commercialisé. Dans le cas inverse, l’opérateur devra alors mettre en place des stratégies, procédures et contrôles suffisants et proportionnés pour atténuer et gérer efficacement les risques détectés de non-conformité des produits. Trois points essentiels devront être particulièrement scrutés par les opérateurs : la complexité de la chaîne d'approvisionnement concernée, l’usage d’informations insuffisamment concluantes et vérifiables, le risque de contournement du présent règlement ou de mélange avec des produits pertinents d'origine inconnue ou produits dans des zones où la déforestation ou la dégradation des forêts a eu lieu ou est en cours. Afin d’apprécier l’étendue des obligations mises à la charge des entreprises concernées, celles-ci peuvent utilement se référer à la FAQ publié par la Commission Européenne en décembre 2023.

Les obligations de due diligence seront applicables à partir du 30 décembre 2024 et, pour les PME établies au plus tard le 31 décembre 2020, à partir du 30 juin 2025. En d’autres termes, d’ici cette date, les opérateurs devront avoir mis au point tout leur système de due diligence et s’être mis en conformité, le cas échéant, en cas de manquements.

L’efficacité du règlement assurée par des mécanismes de contrôles et de sanctions.

La traçabilité et la transparence sont donc au cœur du dispositif proposé afin de faire de la durabilité des chaines d’approvisionnements une nouvelle norme. Pour assurer l’efficacité de ce règlement, des mesures de contrôles et de sanctions dissuasives ont été mis en place.

Les autorités compétentes des Etats membres devront réaliser des contrôles selon un plan de contrôle annuel qu’elles élaborent, au regard du niveau de risque par pays, des antécédents d’un opérateur ou d’un commerçant en matière de conformité et de toute information pertinente.

Le règlement impose aussi aux autorités compétentes des Etats membres de contrôler chaque année un certain pourcentage d’opérateurs et de commerçants. Celui-ci dépendra du niveau de risque des pays de production des produits commercialisés (9% des opérateurs et commerçants qui commercialisent des produits en provenance d’un pays de production présentant un risque élevé ; 3% pour un risque standard ; et 1% pour un risque faible).

Enfin, le règlement prévoit une batterie de sanctions en cas de manquements aux obligations fixées par le règlement. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives et seront fixées en détail par chaque État membre dans le cadre de sa législation nationale.

Les sanctions devraient inclure des amendes proportionnelles aux dommages causés à l'environnement et à la valeur des marchandises ou des produits concernés, elles augmenteront en cas d'infractions répétées avec un maximum d'au moins 4 % du chiffre d'affaires réalisé dans l'UE. Le règlement recommande aussi de prévoir une confiscation des produits concernés ou des revenus tirés des produits concernés ou l'exclusion temporaire (12 mois maximum) des procédures de marchés publics et des financements publics. Enfin, en cas d'infractions graves ou répétées, une interdiction temporaire de mettre ou rendre disponible sur le marché ou exporter les marchandises et produits concernés pourra être prise par les autorités compétentes.

Les sanctions prévues par le règlement sont lourdes et il existe donc un réel enjeu pour les entreprises à mettre en place un système de due diligence et de maitrise de risque efficace et respectueux des obligations fixées par cette nouvelle législation.

Afin de garantir le respect de ces obligations, le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que le Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire ont été désignés comme autorité compétente conjointe en vue de l’application de ces nouvelles règles.


[1] Règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) no 995/2010.

[2] Au sens de l’article 3 de la Directive 2013/34/EU du Parlement Européen et du Conseil, une « petite et moyenne entreprise » ou « PME » est une société qui, à la date de clôture du bilan, ne dépasse par deux des trois seuils suivants : total du bilan : 25 000 000 EUR ; chiffre d’affaires net : 50 000 000 EUR ; nombre moyen de salariés au cours de l’exercice : 250.

[3] S'agissant du bois et des produits dérivés au sens du règlement UE 995/2010 (règlement Timber) produits avant le 29 juin 2023 et mis sur le marché à partir du 31 décembre 2027, le règlement précise que ces derniers sont considérés conformes au règlement et peuvent être mis sur le marché. Le règlement UE 995/2010 (réglement Timber) sera abrogé avec effet au 30 décembre 2024.

[4] Les opérateurs des PME seront soumis à des obligations simplifiées, et devront notamment tenir des registres au lieu de mettre en place un système de due diligence.

[5]  La collecte d’informations doit être exhaustive et détaillée afin de prouver qu’il n’y a pas de déforestation sur les parcelles concernées et utiliser des données ou des documents relatifs à la production, y compris la géolocalisation correcte de toutes les parcelles (c'est-à-dire à l'aide de photos aériennes, d'images satellitaires, de photographies avec des géotags et des horodatages liés ou de polygones avec une latitude et une longitude de six chiffres décimaux pour les parcelles de plus de quatre hectares utilisées pour la production de produits de base autres que le bétail) où tous les produits de base concernés ont été produits et la date ou l'intervalle de temps de la production. Ces coordonnées de géolocalisation devront être fournies au sein de la déclaration de diligence raisonnée.

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