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BCLP Paris - Newsletter Concurrence et Distribution – Septembre 2021
Actualisation du Communiqué Sanction de L’ADLC : Vers un Doublement des Sanctions Pécuniaires ?Sep 03, 2021Summary
Antitrust : l’Autorité de la concurrence adopte son nouveau communiqué sanction, par lequel elle modifie substantiellement les règles applicables en matière de calcul du montant des amendes, exposant les entreprises et associations d’entreprises à un risque financier significativement accru.
L’Autorité de la concurrence (« ADLC ») a publié, le 30 juillet 2021, la version définitive de son nouveau communiqué sanction (le « Nouveau Communiqué Sanction »), qui se substitue à celui du 16 mai 2011.
L’adoption de ce texte intervient à l’issue d’une consultation expresse des acteurs du marché, invités à formuler leurs observations à propos du projet de communiqué rendu public le 11 juin dernier.
Ce projet allait bien au-delà de ce qu’imposait une simple adaptation par l’ADLC de sa méthode de calcul des sanctions pécuniaires au regard des évolutions législatives opérées notamment par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, transposant en droit français la directive n° 2019/1 dite « ECN + », du 18 décembre 2018 (l’« Ordonnance »). Il marquait la volonté de l’ADLC de réformer substantiellement sa pratique et de sanctionner bien plus lourdement les entreprises contrevenantes.
Certaines dispositions de ce projet paraissaient devoir être précisées (voire supprimées) si bien que le résultat de la consultation était attendu avec impatience.
Force est néanmoins de constater que les modifications apportées au projet du 11 juin sont très limitées. La mise en œuvre du Nouveau Communiqué Sanction aboutira donc nécessairement à une majoration considérable et quasi systématique du montant des amendes infligées par l’ADLC.
Les principales nouveautés sont les suivantes :
1. Prise en compte de la valeur des produits en relation indirecte avec l’infraction afin de déterminer le montant de base
Le Nouveau Communiqué Sanction précise que pour établir le montant de base de la sanction, l’ADLC prendra pour référence « la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction vendues par l’entreprise ». Aussi et en fonction de l’interprétation donnée à cette notion de relation « indirecte », le montant de base des sanctions encourues pourrait être substantiellement augmenté (point 22).
Cette notion n’est pas véritablement explicitée par le Nouveau Communiqué Sanction, ce qui laissera une grande latitude à l’ADLC. En particulier, il n’est pas précisé si les produits utilisés comme intrants dans des produits finis, ou des produits situés sur des marchés connexes, amont ou aval de celui sur lequel a eu lieu l’infraction, etc. pourraient être considérés comme en « relation indirecte » avec l’infraction.
2. Possibilité pour l’ADLC de majorer la sanction aux fins de dissuasion
Le Nouveau Communiqué Sanction prévoit qu’au stade de la détermination du montant de base, l’ADLC pourra « ajouter une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes », dans une perspective de dissuasion. Cette possibilité est réservée aux « abus de position dominante, ainsi qu’aux affaires d’ententes horizontales les plus graves, telles que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production » (point 31).
À ce titre, il est heureux que le Nouveau Communiqué Sanction ait abandonné la possibilité d’appliquer également un tel montant additionnel « dans le cas d'autres infractions ». Cette disposition, qui était prévue dans le projet initial, aurait en effet très concrètement permis à l’ADLC d’appliquer cette majoration à tout type de pratique anticoncurrentielle, sans la moindre exception.
3. Prise en compte de l’impact environnemental dans l’appréciation de la gravité des pratiques
Désormais, pour apprécier la gravité des faits, l’ADLC pourra tenir compte de la nature du ou des paramètres de concurrence concernés, parmi lesquels figure désormais l’environnement. Cet ajout vient compléter la liste des autres paramètres de concurrence dont il était déjà traditionnellement tenu compte par l’ADLC pour apprécier la gravité des faits, à savoir le prix, la qualité, le coût, la production etc. (point 28).
Faute de précisions, l’ADLC disposera là encore vraisemblablement d’une très grande latitude pour apprécier la gravité d’une infraction portant sur des paramètres environnementaux.
4. Suppression du critère de « l’importance du dommage causé à l’économie »
Le Nouveau Communiqué Sanction prend acte de la suppression par l’Ordonnance du critère de l’importance du dommage causé à l’économie, dont l’ADLC devait tenir compte lors la détermination du montant des amendes infligées aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles. Il n’est ainsi plus fait mention de ce critère, si bien que désormais, les sanctions pécuniaires ne seront déterminées qu’en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'entreprise sanctionnée et de l'éventuelle réitération.
5. Augmentation du coefficient multiplicateur relatif à la durée des pratiques
Il s’agit d’un changement majeur et lourd de conséquence : le Nouveau Communiqué Sanction prévoit que « le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes […] est multiplié par le nombre d'années de participation à l'infraction ». Cela signifie que dorénavant, un coefficient de 1 sera appliqué à chaque année pleine de participation à l’infraction (point 34). Cette modification est de nature à alourdir considérablement les sanctions pécuniaires, car jusqu’à présent, seule la première année était affectée d’un coefficient de 1, les années suivantes étant affectées d’un coefficient de 0,5.
Quant aux périodes de moins d’une année, le Nouveau Communiqué Sanction indique qu’elles seront prises en compte « au prorata temporis de la durée de participation de l’entreprise à l’infraction ». Il s’agit là d’un léger assouplissement par rapport à ce que prévoyait le projet initial soumis à consultation, suivant lequel les périodes de moins de 6 mois devaient être affectées d’un coefficient 0,5 et les périodes comprises entre 6 mois et 1 an, d’un coefficient 1.
6. Élargissement des catégories de circonstances atténuantes
Le Nouveau Communiqué Sanction modifie les catégories de circonstances atténuantes (indiquées de manière non limitative) en considération desquelles l’ADLC peut réduire le montant de base de la sanction (point 38). Pourront être ainsi pris en compte en tant que circonstances atténuantes :
- Le fait que la pratique en cause a été « sollicitée» (et non pas seulement « autorisée » ou « encouragée », comme le prévoyait le communiqué de 2011) par les autorités publiques ;
- Le fait que l’entreprise en cause a mis en œuvre, en cours de procédure, des mesures de réparation bénéficiant spécifiquement aux victimes de la pratique, notamment le versement à ces dernières d’une indemnité due en exécution d’une transaction au sens de l’article 2044 du code civil.
7. Possible majoration des sanctions par la prise en compte des gains illicites
Il est désormais prévu, dans la partie relative à l’individualisation des sanctions, que « l’Autorité peut également décider de majorer la sanction lorsque les gains illicites estimés réalisés par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée grâce à l’infraction ou les infractions en cause sont supérieurs au montant de la sanction pécuniaire que pourrait prononcer l’Autorité » (point 42).
Le Nouveau Communiqué Sanction s’inspire ici des lignes directrices de la Commission européenne pour le calcul des amendes de 2006, qui comporte une disposition similaire.
Mais faute de précision supplémentaire, il est légitime de se demander comment l’ADLC évaluera en pratique ces gains illicites. Il n’est pas ailleurs pas à exclure qu’une telle évaluation des gains illicites ait un impact dans le cadre d’actions privées consécutives, les victimes de pratiques anticoncurrentielles pouvant alors éventuellement y trouver un élément supplémentaire d’évaluation de leur propre préjudice.
8. Prise en compte au titre de la récidive d’une condamnation prononcée par une autorité étrangère
Le Nouveau Communiqué Sanction prévoit explicitement que pour apprécier l’existence d’une réitération, l’ADLC pourra tenir compte d’une précédente infraction sanctionnée avant la fin de la nouvelle pratique, par une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre.
Cette disposition risque de soulever en pratique des difficultés pour établir l’existence d’une situation de récidive, en raison des différences de qualification d’infraction pouvant exister entre le droit français et les autres droits nationaux de la concurrence.
9. Modification du régime applicable aux associations d’entreprises
Enfin, le Nouveau Communiqué Sanction reprend les nouvelles dispositions de l’article L 464-2 du Code de commerce, issues de l’Ordonnance (voir à ce sujet notre alerte du 24 juin 2021 : Newsletter de juin 2021) portant sur le régime applicable aux associations d’entreprises. Il est prévu que lorsque le contrevenant est une association d’entreprises :
- Le montant maximum de la sanction est de 10 % du chiffre d’affaires mondial annuel (et non plus de 3 millions d’euros comme c’était le cas jusqu’ici).
- Pour autant, lorsque l'infraction d'une association d'entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de la sanction est égal à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial réalisé par chaque membre de l’association actif sur le marché affecté (point 50).
Il est par ailleurs précisé que lorsqu'une amende est infligée non seulement à une association d’entreprises mais également à ses membres, le chiffre d'affaires des membres ne devrait pas être pris en compte lors du calcul de l'amende infligée à l'association (point 25).
Le Nouveau Communiqué Sanction précise qu’une association d’entreprises peut se prévaloir de difficultés financières particulières affectant sa capacité contributive concernant une sanction financière prononcée à son encontre sans tenir compte du chiffre d'affaires de ses membres, afin de revendiquer une réduction du montant de la sanction (point 59). Mais lorsqu'une sanction pécuniaire est infligée à une association d'entreprises en tenant compte du chiffre d'affaires de ses membres et que l'association n'est pas solvable, l’ADLC peut lui enjoindre de lancer un appel à contributions auprès de ses membres pour couvrir le montant de la sanction pécuniaire (point 60).
Enfin, il est prévu que dans le cas où lesdites contributions ne sont pas versées intégralement à l'association d'entreprises dans un délai fixé par l’ADLC, celle-ci peut exiger directement le paiement de la sanction pécuniaire par toute entreprise dont les représentants étaient membres des organes décisionnels de cette association au moment de l’infraction ou des infractions en cause (point 61). Et lorsque cela est nécessaire pour assurer le paiement intégral de la sanction pécuniaire, l'Autorité peut également exiger le paiement du montant impayé par tout membre de l'association qui était actif sur le marché en cause sur lequel l'infraction a été commise, à l’exclusion de ceux qui peuvent démontrer qu'ils n'ont pas appliqué la décision litigieuse de l'association et qui en ignoraient l'existence ou qui s'en sont activement désolidarisés avant l'ouverture de la procédure.
Résumé des principales étapes de détermination de la sanction pécuniaires (en gras les nouveautés introduites par le Nouveau Communiqué Sanction)
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